Identité française ... vue par Jean François Kahn

Publié le par Mouvement Démocrate Ovillois

Un discours étonnant entendu samedi dernier au congrès d'Arras et qui a fait frémir de plaisir toute la salle pourtant peu peuplée d'anciens combattants . Jugez en plutôt par vous-même.

Marielle de SARNEZ. - Dans quelques minutes, Robert Rochefort va prendre la parole pour vous expliquer le déroulement de cette journée consacrée au congrès. Avant, je voudrais faire une petite virgule. Jean-François Kahn est parmi nous, mais il doit nous quitter dans quelques minutes. Je ne voudrais pas qu'il parte sans nous avoir dit quelques mots. Jean-François la parole est à toi.

Jean-François KAHN. - Bonjour Mesdames et Messieurs, c'est émouvant de parler devant vous. En effet, on m'avait demandé d'intervenir sur le problème de l'alternative et du projet. Malheureusement, je dois être à Quimper ce soir... Encore que c'est peut-être totalement inutile vu le nombre de gens de Quimper que j'ai vus ici !
(Applaudissements…)

Je dirai un mot simplement sur l'initiative que j'ai prise et qui entre totalement dans la perspective qu'a ouverte François Bayrou qui est de créer un club qui s'appelle le CREA, centre de réflexion pour une alternative.
En lisant cette allusion à l'arc central, je pensais à une chose : au fond, on l'a oublié, mais, en 1943 et 1944, à travers un centre qui s'appelait Comité national de la résistance, on a élaboré un projet, qui a, non seulement libéré la France, mais aussi élaboré un nouveau projet de société, une société totalement neuve, par rapport à celle qui venait de faire faillite, après la crise de 1929 qui a débouché sur la guerre.

Cette nouvelle société qui s'appelait le libéralisme social et qui a permis ce que l'on a appelé les Trente Glorieuses, ce projet de société, ceux qui l'ont élaboré, dans la résistance, ensemble, étaient des gaullistes, des libéraux de progrès, des socio-chrétiens, des socialistes, des socio-démocrates et, même, des communistes. Ils l'ont fait ensemble et c'est ce qui a permis à la France de se libérer et de changer de société.
(Applaudissements…)
Oui, c'est possible et je peux vous dire que, aujourd'hui, tous les représentants de tous ces courants - je dis bien les représentants de tous ces courants - ont accepté que nous parlions, que nous travaillons, que nous discutions ensemble de ce que pourrait être une alternative à la société actuelle qui a fait faillite et à celle communiste d'hier qui a également fait faillite.

Je voudrais simplement, puisque nous sommes à Arras, dire un mot sur l'identité nationale, puisque M. Besson - j'ai toujours tendance à dire M. Besson - le fait, pour faire court ! On peut faire mieux dans le genre ! Si vous voulez !

(Rires...) On peut dire de lui Béat devant Jospin, Déat (1) devant Sarkozy !  (Rires...)
On vient de me rapporter un propos qui dit que, grâce à lui, on en discute enfin dans les bistrots. Tout le monde sait que cela fait longtemps que l'on en discute dans les bistrots. Je ne suis pas sûr que l'on en discute de la meilleure façon et de la meilleure manière dans les bistrots.
 Naturellement, il y a déjà l'absurdité, le surréalisme ; les journaux étrangers sont hallucinés. J'ai créé un journal, il y a 12 ans, où il y avait un titre Marianne. Cette femme brandissait un drapeau tricolore. Vous n'imaginez pas ce que j'ai entendu : "Vous êtes un journal lepéniste, un journal fasciste". Cela ne me dérange pas que l'on aborde le problème de l'identité nationale. Maintenant, on peut se poser la question : est-on en union soviétique ? Est-on dans un pays où l'on peut vous dire : À partir de mardi à 10 h 20, au coup de sifflet, vous allez dans les
préfectures et vous posez la question qui suis-je ? Où cours-je ? Dans quel état vais-je ?
(Applaudissements…)

Que s'est-il vraiment passé à Arras ? C'était pendant la guerre de 1418, en mai 1915, les Français  avaient perdu Lens et le bassin minier. Alors, en mai 1915, a été organisée une énorme offensive pour reconquérir Lens et le bassin minier. L'offensive d'Artois sous le commandement de Joffre et de Foch fut un échec tragique. L'assaut français s'est brisé contre les 4 lignes de fortification allemandes, les tranchées, les blockhaus, partout… 200 000 morts en quelques jours... Pour rien... Pour 50 m conquis, sauf une exception, une seule, là où il y a la colline de Vimy qui contrôle Lens et, si on contrôle Vimy, on peut déboucher sur Lens.

Là, plusieurs compagnies du 33ème corps, dans un élan fantastique, tels des héros antiques, ils courent se précipiter, en chantant la Marseillaise, en criant "Vive la France", en brandissant des drapeaux, qui, il est vrai, ne sont pas tous tricolores et vous comprendrez pourquoi, et ils emportent tout sur leur chemin. Rien ne leur résiste. Première ligne, deuxième ligne, troisième ligne, quatrième ligne, les blockhaus… Ils arrivent en haut de la côte de Vimy et, quand on le dit au commandement en chef, il ne le croit même pas. Partout ailleurs, cela recule.Or, les premiers morts s'appellent Ben Ali, Ahmoud, Begass.... On les enterre, on récite le coran, la prière des morts musulmanes ; on les enterre la tête vers la Mecque. Tous les autres soldats s'arrêtent, cela ne choque personne, mais à côté d'eux, qui y a-t-il ? Il y a des Tchèques, des Hongrois, des Polonais, des Espagnols. Le hasard fait que, en effet, c'était presque tous des soldats volontaires d'origine étrangère. Il y avait un Canadien qui portait Paris au cœur et qui s'occupait de la voiture de la grande échelle de pompiers à Montréal. Il y avait un Italien qui aimait la République française qui avait mis son talent à notre disposition. Il y avait des Tchèques qui militaient dans des mouvements de jeunesse, même des mouvements socialistes pour l'indépendance tchèque. Il y avait des Polonais. Il y avait un Russe, plusieurs russes anti-tsaristes pour qui la France était la République, donc leur espoir de la démocratie en Russie. Il y avait des peuples pour qui, la France, c'est le droit de disposer d'eux-mêmes et il y avait aussi un Suisse qui s'appelait Blaise Cendrars. C'est parce qu'il y avait un Suisse qui s'appelait Blaise Cendrars que l'on a le récit de cette magnifique épopée.

Ce mélange-là, c'est cela l'identité française, non pas, parce qu'ils étaient étrangers, et il y avait des Français parmi eux, mais parce que, pour eux, la France, c'était un moment de son histoire. C'était la République, la prise de la Bastille, le droit des peuples à disposer d'eux mêmes. C'était la défense de l'idée polonaise. C'était tout cela et, en ce sens, ils étaient profondément et identitairement français.
Je voudrais dire simplement puisque M. Besson pose la question, que c'est une bonne question, parce que, entre nous, quand, au nom de la France, un certain Jacques Chirac a dit non à la guerre d'Irak, quand un certain Villepin a tenu les propos qu'il a tenus au Conseil de sécurité, j'étais fier d'être français…
(Applaudissements…)

… Et lorsqu'un ministre du Gouvernement dont je ne me souviens plus du nom a été aux États-Unis, il a dit : "Vous savez, moi, on m'appelle l'américain. Je suis très content que l'on m'appelle l'Américain", qui est allé voir tous les responsables, qui a condamné aux États-Unis devant Bush l'arrogance française… L'arrogance française en Amérique ! C'était le fait que l'on ait dit non à la guerre d'Irak. Lorsqu'il a dit que c'était une honte que l'on ait menacé de recourir au droit de veto, j'avais un peu honte d'être français.


Donc, ce sera ma conclusion, je voudrais dire à M. Besson, à la question : Qu'est-ce qu'un Allemand ?, on peut dire, ici, que c'est l'ethnie, la langue, la religion... Que sais-je encore, mais à la question : qu'est-ce qu'un Français ? La vérité, c'est que l'on ne peut pas répondre tellement. La réponse est complexe, tellement c'est une histoire de mélanges et d'état d'esprit. C'est le fait que l'on ne peut pas répondre sur ce qui fait, en profondeur, l'identité française.

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